Aller au contenu

une employée modele - jacques otmezguine - 2002


Basculo Cui Cui

Messages recommandés

Horizon indépassable. Sous l’égide d’une intrigue de thriller au classicisme amidonné, lorgnant vers ses glorieux aïeuls américains, le réalisateur Jacques Otmezguine s’emploie dans Une Employée Modèle à brocarder diligemment du fin fond d’une PME provinciale, au directeur ascétique, les ignominieuses manœuvres économiques des producteurs féroces, forcément sans scrupules, de hardware yankee.UNE EMPLOYEE MODELE

 

Paradoxal non ? Ou plutôt inepte. Et nous ne sommes pas au bout des nos désillusions devant une lénifiante et ahanante chronique – un honnête chef d’entreprise travailleur et pragmatique manipulé par un consortium amerloque, comme il aime à le qualifier, et une mante religieuse incarnée à la silhouette d’ange et au regard asservissant – en état de déréliction distanciée qui s’étiole dans une flasque transparence, névralgie lancinante infusant dans la fumeuse, létale et bien plate Swimming Pool de François Ozon (la musique de Philippe Rombi commune aux deux films charriant une torpeur de suspense). Inconsistance de la mise en scène qui se complaît dans la médiocrité insipide – exceptée la frontalité vénéneuse qui exhale le charme méphitique de Delphine Rollin dans le plan final ou lors du premier coït –, rebondissements au rabais se prenant les pieds dans les subterfuges les plus éculés, personnages peu ou pas concernés par le développement fastidieux sinon hasardeux d’une histoire ringarde sans la moindre once d’originalité ou de spontanéité – rien en nous sera épargné jusqu’au flic zélé et décalé citant Karl Mark et Jean-Paul Sartre à ses heures perdues, la naïveté retorse du cinéaste tend à délayer l’assertion selon laquelle l’existentialisme est un humanisme –, tout concourt à une caricature fadette plombée par le foisonnement de références cinéphiliques (Fritz Lang pour le meurtre du mari violent, Federico Fellini avec la pataugeoire navrante mais encore Billy Wilder ou Alfred Hitchcock), mal digérées et récitées avec une détestable application. Au gré de ce bouillon frelaté qui se vautre dans la carence d’enjeux scénaristiques aussi bien que sexuels – dérive prophylactique on y baise parce qu’il faut sans envie et sans attouchements la première fois (personnages soigneusement séparés, chacun habitant l’hédonisme de son plan autocentré) – nous perdons progressivement pied avec la dilution de l’épaisseur intrigante qui saupoudrait les premières minutes congruentes, tout à la fois subéreuses et vitaminées.

 

Oeillères fumés et rances. D’atmosphère prégnante, délétère ou sourde il ne sera ainsi jamais question au fil des quatre-vingt-dix minutes d’une prévisibilité sidérante et placide tant la tension ténue ne prend pas sur un vivier aussi terne et stérile. Gonflé à l’arrogance, le long métrage oublie même de se parer de la grâce subtile, désabusée et bancale de l’œuvre consciente et artisanale façon Nestor Burma qui a su utiliser (révérer ?) en son temps l’icône lancinante et hypnotique que peut être l’ensorcelante Delphine Rollin (muse inoubliable initiant la catharsis dans Le Chignon D’Olga) avec un talent consommé à mille lieues de cet espionnage industriel désespérément anérogène. On pense parfois à la réussite probante de Guillaume Nicloux sur Une Affaire Privée pendant le visionnage de cette fable tiède et insipide pour regretter longtemps le manque d’ambition criant

d’un réalisateur atone. Car en dépit d’une mise en image indigente l’auteur pouvait compter sur des acteurs solides malheureusement piégés dans des ergastules graphiques incongrues de sinistrose, en proie aux tourments cafardeux de leurs rôles clichés. Empruntés par le carcan indécis qui les engonce, Nicole Calfan ou François Berléand s’épuisent à enrayer la spirale déliquescente de la vacuité désaffectée. L’acteur débonnaire se positionnant en porte-à-faux, à la frontière entre la folie névrotique qui irradiait Mon Idole et l’obséquiosité attendrissante de Ma Petite Entreprise, pour un résultat à l’image du film : un continuum tristement résigné rêvant sans illusions de volontarisme tranché. Le final affligeant et pauvre ne parvient pas à remonter la pente et, loin de nous plonger dans les abîmes de l’indulgence il nous propulse hardiment dans les limbes hostiles de l’ire affligée. Aux antipodes de cette cocardière indifférence psychologique, à l’excitation inexistante, nous ne voulions, nous, qu’être égarés dans un polar brumeux par la sublime, éthérée et reptilienne Delphine Rollin. Une sirène perverse et fatale dont le potentiel sensuel envoûtant fut bien mieux mis en avant dans une publicité récente pour une marque de café. Quel comble pour un cinéaste qui souhaitait vraisemblablement asseoir sur cet artifice, ce trouble entêtant, la crédibilité de son récit afin de ressusciter avec force révolte soixante-huitarde dégénérée un genre moribond. Quel dommage surtout pour l’humble spectateur déambulant aux confins de la léthargie.

 

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...