Aller au contenu

Wallonie 2084 - Jean-Jacques Rousseau - 2004


Basculo Cui Cui

Messages recommandés

copier coller de l'ami tof121 de nanarland :

 

Wallonie 2084

 

année de production : 2004

Genre : Waterzooie vs boulet sauce lapin (private joke belge).

Durée : 80 min

Version : française (son synchrone) sans sous-titres

Production : Belfilm asbl

Réalisation : Jean-Jacques Rousseau, Clark Hachet

Scénario : Jean-Jacques Rousseau, Vince Clark

Images : Jean-Jacques Rousseau

Musique : Frédérique Rousseau, Corine Volont

Interprétation : Frans Badot, Marc Dehout, René Cuba, Cory Fly, Noël Godin, Dan Seymour, Edouard Mazlowsky, Marie No.

 

 

“Ouch !”

Telle fut ma première pensée après la vision de Wallonie 2084. Imaginant la tâche qui m’attendait les questions se bousculèrent dans ma tête. Comment se mesurer à l’immensité de l’oeuvre commentée ? Comment rendre justice au génie – même s’il s’agit d’un génie de la nullité – d’un cinéaste ? Comment rendre compte de l’énigme qu’est toute œuvre artistique pour le spectateur – et, avouons-le, également pour son auteur. Jean-Jacques Rousseau, cinéaste prolifique et inédit (du moins jusqu’à très récemment) me semble la parfaite illustration de cette énigme.

Par ailleurs, nous sommes face à un cas particulier, celui d’un homme qui se qualifie lui-même de “cinéaste de l’absurde”. Habituellement, nous sommes confrontés à trois types d’auteurs : les génies incompris qui, comme BHL, pensent que l’histoire les jugera, les cyniques qui se disent que s’il y a du blé à prendre, eh bien, ils ne vont pas se gêner (Godfrey Ho) et les savants fous dont l’oeuvre interpelle le nanarophile sans qu’il soit pour autant possible de leur attribuer une quelconque intention, hormis celle de s’éclater (peut-être) ou de réaliser un film (sans doute). Philippe Clair pourrait être un de ceux-là. C’est du moins l’impression que m’a laissé le Fuhrer en folie. Ici, Jean-Jacques Rousseau, se réclame de l’absurde. Il le fait depuis qu’il a constaté l’effet hilarant ou assommant de ses films sur le spectateur moyen.

Wallonie 2084 est donc annoncé, dans son générique, comme une œuvre du cinéaste de l’absurde. Jean-Jacques Rousseau ne fait alors rien d’autre qu’indiquer au spectateur la lunette avec laquelle il conviendrait de voir sa production. Mais suffit-il à un enfant de dire “j’ai fait exprès de tirer dans le but de mon équipe” pour qu’on le dise rebelle plutôt que nul ? En un mot, appartient-il à l’auteur de qualifier son œuvre, lui est-il possible de se dédouaner de l’étiquette de nanar en affirmant prendre l’absurde à bras le corps. Philippe Clair, pour revenir à lui, aurait-il pu brandir l’absurdité pour conjurer le soupçon – est-ce un soupçon, à ce stade ? – de la nullité ?

Tout ceci pour planter le contexte : Jean-Jacques Rousseau est un cinéaste (si l’on définit un cinéaste comme quelqu’un qui tient une caméra à la main) belge (si on admet que cet adjectif renvoie encore à une quelconque réalité) tournant avec les moyens du bord (mais de quel bord ?) des films improbables. Apparaissant en public masqué d’une cagoule, sans doute pour éviter que sa mère ne le reconnaisse à la télévision, il filme avec un acharnement qui renvoie le travail des médecins de Jean-Paul au rang d’amateurs. C’est en l’honneur de cet acharnement qu’il a été fait écho à son travail dans le documentaire Filmer à tout prix qui a plus fait pour sa réputation que son œuvre.

 

Le Maître

 

En activité depuis des décennies, il est l’auteur d’une filmographie aussi prolifique qu’inédite. Rien n’était encore sorti, voici le premier DVD. Il faut dire que, vu l’objet filmique, la probabilité de visionner Wallonie 2084 à la télévision nationale ou dans un complexe multisalle est très faible.

Toujours est-il qu’il filme avec acharnement. En telle sorte qu’il fut remarqué par le directeur du centre culturel de son village qui décida de lui octroyer quelques facilités. Il fut aussi découvert par Noël Godin, le pontifiant pourfendeur de pontes, fondateur de l’Internationale pâtissière, auquel on doit de salutaires entartages, dont ceux de BHL et de sa virago, ou encore celui de Bill Gates. Il y a des jours, on se félicite que Dieu ait bu un coup au matin du sixième jour pour se donner du cœur à l’ouvrage.

Apprenant la sortie d’un DVD comprenant Wallonie 2084 et, en bonus, le court Irkutz 88, je visitai le site de la médiathèque belge

http://www.lamediatheque.be/

pour me rendre compte que la merveille s’y trouvait (en plusieurs exemplaires !). Ah ! béni soit le service public, seul à s’intéresser à ces œuvres qui donnent un sens à notre vie. Vite transféré sur mon iPhone (la technologie de pointe au service du nanar, c’est pas beau, ça ?), j’eus l’occasion de vivre une expérience hors du commun : le visionnage d’un OFNI absolu dans le train Bruxelles-Mons… et quel objet filmique ! Je ne suis certes pas un grand spécialiste, mais c’est du lourd !

Comment rendre compte de ça ? Quelle angoisse : il n’y a pas d’histoire, pas d’effets spéciaux, pas de cadrages, pas de personnages, pas d’acteurs,… que faire, donc ? Ben, tiens, le voilà, le pitch, yapa !

 

Yapa 1 : l’histoire

 

À première vue, il y en a une d’histoire. En 2084, la Flandre, dirigée par le cruel Dr. Heinzberg, frère du psychiatre animalier du zoo d’Anvers. À moins que ce ne soit l’inverse, en tout cas, ce n’est pas clair, mais ça promet… Le méchant docteur est drogué au LSD 25 que lui injecte régulièrement sa vilaine infirmière, Gerda Speer.

 

Le méchant docteur pendant l’injection de LSD 25

 

Les méchants Flamands (appelés les Vlams dans le générique) ont envahi la bonne terre de Wallonie, peuplée de quatre ou cinq Wallons débonnaires (on n’avait pas assez de figurants pour peupler davantage la Wallonie) qui résistent en ordre si dispersé qu’on voit qu’ils prennent les Flamands pour des cons (ou alors, c’est bien imité).

 

Le peuple wallon se lève comme un seul homme

 

Mais l’Église catholique a mis en orbite une station sur laquelle sont réalisés et de laquelle sont émis, les programmes de la télévision flamande… Allez comprendre… De ce satellite, la Flandre conquérante parvient bon an, mal an, à arroser le heilige vlaamse grond (la terre sacrée de la Flandre), la Wallonie et le Nord de la France… pas terrible, hein ?

 

La station de radio Vatican prêtée à la Flandre (elle est trop grande pour entrer dans la télévision (ou c’est la télé qui est trop petite). Notez le fil grâce auquel elle est punaisée dans la voûte céleste.

 

En direct de l’espace...

 

Cette situation ne plaît pas à un puissant homme d’affaire français, propriétaire d’une télévision française, lequel ourdit un complot.

 

A la télé française, on n’hésite jamais sur une bonne petite balance des blancs...

 

Il s’empare du légionnaire Ravachol (dont le frère s’appelle Raymond La Science) et lui arme l’intestin d’une bombe avant de le lâcher sur la piste des Flamands. S’il s’agit de faire péter le légionnaire lorsqu’il sera à portée de l’ennemi (auquel cas on se demande pourquoi il irait le trouver) ou si nous sommes face à un scénario façon New York 1999 dans lequel on le désamorcera lorsqu’il aura fait exploser la station orbitale, voilà qui n’est pas expliqué dans le film. Qu’importe, on ne comprend pas plus comment il compte se rendre dans l’espace (c’est pas le budget de Moonraker, non plus) ni pourquoi on le désamorcera quelque temps plus tard sans qu’il ait accompli sa mission. “Au point où on en est…”, songe le spectateur déboussolé qui vient de rater la gare de Mons, plongé qu’il était dans une stupeur cataleptique…

 

Le Dr. Yaboutich (Noël Godin), arme l’intestin du légionnaire Ravachol pour l’envoyer, euh, pour qu’il aille… euh, enfin, il lui arme l’intestin.

 

La bombe anale… Quand le chroniqueur devient muet face au génie…

 

Pendant ce temps (ou avant, voire après), des maquisards wallons, autour d’un feu de camp, attribut obligatoire du maquisard conventionné, discutent de la meilleure manière de lutter contre les vilains Flamands. Ils se plaignent aussi de leur sort : on leur interdit toute relation sexuelle entre eux ou avec des animaux… car il faut vous dire qu’une épidémie de grippe aviaire se répand, ce qui amène effectivement les Flamands, dès le début du film, à prendre un édit prohibant les relations sexuelles avec des canards… eh oui ! Plus exactement, c’est la deuxième scène, la première étant un strip tease (incomplet et inexpliqué) d’un militaire.

 

Le maquisard : “Avant, j’étais acteur de cinéma” (sic)

 

Les maquisards finiront par s’étriper… Le film, lui, sombre de plus en plus, et ce qu’on prenait au départ pour une histoire, se révélera être une suite de séquences reprenant les mêmes personnages (pas toujours dans les mêmes rôles) et se faisant référence les unes aux autres, mais sans plus. Le tout apparaît, vous l’aurez deviné, comme fort décousu. Aperçu de quelques unes de ces séquences :

* Une émission de la télévision flamande avec une belle chanson devant le drapeau flamand, par Gerda Speer, l’âme damnée nymphomane et infirmière du Dr. Heinsberg (en intégrale, ce n’est pas long du tout, vous êtes déjà morts). Ça ressemble à du Sabine Paturel sous acide...

 

“Dans un champ de blé magnétique, aux couleurs suprafolkloriques” (sic)

 

*L’intervention du fantôme d’un moine hérétique incitant l’homme d’affaire français à se suicider, ce qu’il fera… Eh oui !

 

Au cas où vous ne l’auriez pas compris au premier coup d’oeil, ceci est un moine hérétique

 

* La prise d’une station de tir de missiles flamands par le Dr Léon Pestiaux Jr., fils du Dr. Léon Pestiaux Sr., ce dernier étant tour à tour médecin du Dr. Heinsberg, maquisard, soutien du peuple wallon, et j’en passe ; prise aboutissant à un tir contre la station orbitale (navette spatiale flamande selon Léon Pestiaux Jr.).

 

Comme dans un film américain, on vous explique où vous êtes

 

Une base bien gardée.

 

Verdomme ! Le missile part ! La comparaison avec une production des studios Lucasfilm montre qu’on est au top des effets spécieux

 

Un drame se joue, mais dans l’espace, personne ne vous entend crier…

 

Pour plus de sécurité, la base est gardée par un “Grand Être Suprême”.

 

“Qui est cet homme ?

- Grand Être Suprême, c’est le remplaçant, le fils du docteur Pestiaux…”

 

* la pendaison dudit fils de médecin (et médecin lui-même, d’ailleurs).

 

En Flandre, on pend par le cou et par le torse, comme ça, le pendu est bien pendu. Parfois, le cou, ça peut casser...

 

* Une séance de torture difficilement soutenable du Dr. Pestiaux Sr. par Gerda Speer (prononcez Djerda Spire)

 

Pif, paf, pouf à Abu Graïb sur Sambre (à l’arrière plan, le fil du projo halogène 500W – en réduction chez Carrefour – qui éclaire la scène)

 

“Pantalon de training, dis-moi qui est le chef des maquisards wallons”

 

“Avec ça, ton survêt va tout m’avouer, crevure !”

 

Ces séquences se succèdent à un rythme désespérément lent. On n’est pas face à un montage façon clip vicéo... Et puis, le spectateur endurant parvient à... la fin ouverte du film. Eh oui, une suite est possible ! C’est donc peut-être pour ça qu’il n’y a pas vraiment d’histoire, c’est sans doute dans le deuxième volet que tout s’expliquera… ou dans le troisième. Car, faut-il le dire ? nous espérons vivement une trilogie !

 

Yapa2 : la technique

 

Cet objet filmique est exceptionnel par la qualité de son intrigue, par la clarté tout éthylique de sa progression vers un climax inattendu (la fin du film avant la fin de l’histoire) et par des séquences d’anthologie : l’explosion d’un satellite/navette spatiale dont le pilote finit par mourir noyé, la torture d’un pantalon de training 97% polyester, 3% élasthane, la danse de Gerda Speer à la télé flamande, et tant d’autres…

Mais l’objet se distingue aussi par la qualité de sa réalisation artisanale. Ah, mon bon Monsieur, tout est fait à la main, pas comme dans les grands studios où des armées d’informaticiens boutonneux conçoivent des effets spéciaux en ruminant de la gomme à mâcher. Faut dire que tout est réalisé par le Maître lui-même. Il est des génies qui répugnent à déléguer tant chaque étape, de la conception à la réalisation, contribue au génie de l’oeuvre créée.

 

Le Maître reste modeste… remarquez le premier trucage qui consiste à mettre un pied pour tenir le carton de générique…

 

A gauche, un trucage (elle ne le pique pas vraiment), à droite, un effet spécial (ce ne sont pas de vrais Flamands)… à moins que ce ne soit l’inverse...

 

Il faut encore parler des décors. Ah, ils me font rire avec leurs images de synthèse alors qu’avec une demi-plaque d’alu pour cuire les pizza, un gyproc et une lampe de poche militaire on fait une magnifique porte coulissante ! Outre les décors, on retiendra le faste des costumes. Le Maître a une prédilection pour les casques de soudeur et autres lunettes de protection. Il faut dire que chez Brico, c’est ce qui fait le plus technologique (ou le plus flamand)… pour le reste, de seyantes combinaisons en plastique, des costumes en lamé, toutes sortes de choses réjouissantes. On notera au passage que les Flamands sont trop nuls pour avoir des uniformes coordonnées.

 

Bzzzzzzzzzzzzzzz. Ouverture d’une porte coulissante automatique...

 

Cet acteur doit subir trois minutes de maquillage au début de chaque journée de tournage. Heureusement, il n’a joué qu’une après-midi...

 

Cela étant, un film, c’est aussi du son. Ici, les dialogues sont du Maître, les bruitages sont du Maître, le souffle aussi… et pas seulement le souffle épique ! Si bien que l’on entend toutes les coupures de son causées par le montage au petits oignons du Maître.

Enfin, l’objet ne pourrait atteindre la perfection qui est la sienne sans de magnifiques cadrages. Respect, un virtuose est aux commandes !

 

Un cadrage léché.

 

Yapa3 : les acteurs

 

Le Maître en conviendrait, un film n’existe pas sans son casting. Le casting est bien entendu également du Maître. On l’imagine faisant les files des abris de nuit, les bistrots de la région de Charleroi, les files de l’ONEM (l’ANPE belge) pour y dénicher des talents ayant l’étoffe des héros éternels ou des crapules archétypiques qu’il met en scène. Ce sont des amateurs, bien sûr, mais une bonne direct

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ah oui, ça c'est du hardcore.... mais ce n'est de loin pas le plus hermétique des films de JJR.

 

C’est en l’honneur de cet acharnement qu’il a été fait écho à son travail dans le documentaire Filmer à tout prix qui a plus fait pour sa réputation que son œuvre.

 

Pas vraiment d'accord... mais peut-être n'ai-je pas le recul nécessaire, mais la réputation de JJR était déjà ancrée bien avant le doc, principalement grâce à des individus comme Noël Godin, à l'Etrange Festival et des diffusions sur C+ (car oui, JJR a été diffusé sur C+). Mais l'expérience JJR se doit d'être faite en présence du maître encagoulé, seul moyen de vivre pleinement la dimension de son oeuvre!

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...