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Le Repaire Du Ver Blanc - Ken Russell (1988)


Basculo Cui Cui

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copier coller de l'ami nikita de nanarland :

 

LE REPAIRE DU VER BLANC

 

(Aka : The Lair of the white worm)

 

Dans les années 70, Ken Russell était un metteur en scène culte. Avec «Love », The Music lovers », «Valentino », ou «Tommy », délirante adaptation de l’opéra-rock des Who, le cinéaste anglais avait su imposer son style flamboyant et excessif comme signe de ralliement des spectateurs branchés. Si ses audaces thématiques et visuelles ont souvent fait long feu avec le temps (rien ne vieillit plus vite que certaines avant-gardes), Russell n’en avait pas moins un grand talent de réalisateur (revoir «Les Diables » pour s’en convaincre). Or, après «Les Jours et les nuits de China Blue » en 1984, c’est la dégringolade. Les outrances de Russell deviennent de plus en plus kitsch dans le mauvais sens du terme, son «Salomé » consterne ses fans les plus acharnés, ses tentatives de provocation deviennent grinçantes et répétitives. Reconverti aujourd’hui dans la confection de téléfilms («L’Affaire Dreyfus »), Russell tente occasionnellement de revenir à ses premières amours, notamment avec une version trash de la Chute de la maison Usher, mais sans retrouver son succès critique ou public.

 

 

Pour qui veut suivre en détail le passage de Ken Russell du statut d’auteur d’avant-garde à celui de vieille baderne oubliée, ce «Repaire du ver blanc» est une vision intéressante, tant il marque de façon irrémédiable le basculement du cinéaste vers le kitsch le plus hideux. Adapté d’un texte de Bram Stoker, ce film d’horreur pataphysique, qui aspirait à relancer le cinéma d'épouvante british, est en effet un nanar parfaitement jouissif, dont le délire assumé n’est que le prétexte à un déferlement de mauvais goût qui se voudrait novateur.

 

 

Le propos et le contexte de l’action sont cependant relativement originaux : dans l’Ecosse profonde, Henry, un étudiant en archéologie, déterre le crâne d’une sorte de serpent géant. Il s’agit en fait des restes de l’antique dieu-serpent (le fameux « ver blanc » du titre), idole d’un culte pré-chrétien avec sacrifice de vierges à la clé. La Comtesse Sylvia, prêtresse du culte et femme-serpent-vampire aux crocs acérés, va tenter de le récupérer pour rendre le Dieu à la vie. Sir James D’Ampton (Hugh Grant), dont l’ancêtre tua jadis le serpent, ne tarde pas à s’intéresser à l’affaire…

 

 

Ce point de départ étant posé, le spectateur qui aura eu la curiosité de regarder ce truc accablant va se trouver soumis à une succession de vignettes oscillant entre le délirant et l’obscène. Visiblement assez moyennement convaincu par le propos de son film, Ken Russell a en effet choisi de traiter le sujet absolument par-dessous la jambe, le récit, très incohérent, ne progressant qu’assez mollement (les héros bavardent pendant des plombes avant de se décider à agir, au point que ça en devient comique) au rythme de saynètes kitsch totalement à la gloire de la belle brune Amanda Donohoe, interprète de la méchante Comtesse. Extrêmement sexy, miss Donohoe passe une bonne partie du film dans des tenues de tapineuse de luxe (compter les plans sur ses porte-jaretelles), de dominatrice sado-maso, ou d’adepte de secte partouzeuse, Russell, visiblement enamouré, nous gratifiant même d’une séance de catch féminin en uniforme (deux fantasmes en un !). Amanda Donohoe prend visiblement un plaisir extrême à sa prestation, et joue les Cruella avec une délectation gourmande, apparaissant pour le final le corps nu et peinturluré.

 

 

 

Les autres attractions du film sont les séquences de rêves et autres hallucinations que subissent les personnages une fois exposés au venin de serpent craché par la méchante. Viol d’un couvent entier de religieuses par des légionnaires en furie, Jésus-Christ dévoré vivant sur sa croix par le dieu-serpent, la Comtesse crachant son venin sur un crucifix : Ken Russell prend prétexte de la présence dans l’histoire d’un culte païen pré-chrétien et maléfique pour nous servir des vignettes anti-religieuses d’une grossièreté assez inouïe. Mais ces séquences de délires (qui avaient fait le succès de Russell dans un film comme «Au-delà du réel ») sont ici totalement ratées : tâches de couleur explosant sur l’écran, décors surréalistes hideux, effets gore mal foutus. On nage dans l’auto-parodie, qui pardonne d’autant moins quand elle est pratiquée par un cinéaste au style si excessif.

 

 

L’une des images des séquences hallucinatoires.

 

Le spectacle, à l’humour vulgaire typiquement british, est grotesque quasiment en permanence, sans que l’on sache si le ridicule est volontaire, involontaire, ou les deux à la fois. Il faut voir Hugh Grant couper en deux une femme-vampire-serpent d’un grand coup d’épée moyen-âgeuse ; un flic obèse transformé en vampire, qu’un écossais en kilt neutralise en jouant avec sa cornemuse un air de charmeur de serpents ; la méchante Comtesse se préparer à déflorer une vierge en hommage au dieu-serpent avec un godemiché géant en ivoire sculpté ! Ken Russell ne manque littéralement pas une occasion de nous balancer un symbole phallique ou sexuel (à commencer par le serpent géant), voulant apparemment nous prouver que la soixantaine n’a pas entamé sa libido.

 

 

 

 

 

Le tout pourrait échapper au nanar pour constituer une sorte de film d’horreur délirant et post-moderne….si la mise en scène n’était pas absolument lamentable, du moins cent coudées en-dessous de ce que l’on pourrait attendre du metteur en scène des «Diables ». Filmé comme un téléfilm moyen, photographié de manière hideuse, le film n’élève jamais son style à la hauteur de la fantaisie attendue, pour s’avérer au final un film d’horreur raté, un délire raté, mais un nanar réussi ! Le je-m’enfoutisme palpable de Ken Russell vis-à-vis de son histoire se fait tellement sentir qu’il devient littéralement impossible de prendre au sérieux ce «Repaire du ver blanc », qui se vautre sur le terrain de la grosse gaudriole, avec des héros neuneus, une méchante de cartoon (disons de cartoon classé X) et un monstre final dont le budget visiblement insuffisant n’excuse pas la ringardise très « craignos monster ».

 

Le godemiché de Sylvia, qui se prépare à sacrifier la vierge au dieu serpent!

 

 

Notons également la mirifique présence de Hugh Grant, qui non content de livrer ici la pire prestation de sa carrière (ou la plus géniale, si on choisit de voir le film sous l’angle comique), joue le héros le plus inutile qui soit : si l’on excepte son découpage de femme-serpent à l’épée, il ne fait strictement rien de tout le film, et aurait pu être supprimé du scénario sans que ça change quoi que ce soit, toute l’action étant accomplie par le jeune archéologue Henry ! On comprend vaguement que Russell a voulu parodier le héros traditionnel de roman gothique en le rendant totalement inconsistant, mais cela ne fait que renforcer le côté nimportequouesque et mal maîtrisé d’un film déjà bien atteint.

 

 

 

 

La nonchalance du réalisateur vis-à-vis de son film est tout de même un peu préjudiciable au rythme de l’histoire, qui connaît des temps morts, et se met parfois à ressembler à un pique-nique dans la campagne écossaise. Faute de maintenir sur toute sa durée le délire attendu, le film n’atteint pas le cîmes du nanar, mais il demeure tout de même un spectacle agréable, drôle, et très intéressant. En effet, s’il entérina la descente aux enfers de Ken Russel, «Le Repaire du ver blanc » compte tout de même un noyau de fans (qui selon Hugh Grant, se recrutent cependant surtout dans les hôpitaux psychiatriques et les prisons de haute sécurité), et contribua à faire remarquer Hugh Grant (bien avant «Quatre mariages et un enterrement ») et dans une moindre mesure la très bandulatoire Amanda Donohoe (qui tourna ensuite notamment «La loi de Los Angeles »). A voir comme une curiosité, et pour constater que les nanars de fin de carrière des grands cinéastes sont parfois les coups d’essais de futures vedettes !

 

 

LE REPAIRE DU VER BLANC

 

Année : 1988

Pays : Grande-Bretagne

 

Réalisation : Ken Russell

 

Genre : By jove, there is un serpent géant dans mon cottage !

Catégorie : Horreur

 

Avec : Amanda Donohoe, Hugh Grant, Peter Capaldi, Catherine Oxenberg, Sammi Davis, Stratford Johns, Paul Brooke

 

Nikita : 2,5

 

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  • 2 years later...

je suis peut être le seul sur terre mais j'en ai un très bon souvenir moi,

je sais pas d'où vient l'article mais le second degré du film me parait évident.

C'est en effet parfois tellement "pas top" que ça peut qu'être fait exprès, hein ?

Rassurez moi

A revoir en tout cas

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  • 1 year later...

Je viens de regarder cette petite crotte de Ken Russell. Bram Stocker doit se retourner dans sa tombe... La critique de nanarland écrite par Nikita est très bien faite et résume assez bien l'esprit du film. Au final je conseille quand même de voir cette chose, parce qu'il faut réellement le voir pour le croire... Je lui mets 4/10.

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un trip animalo-mystico-cul tout moche, tout mal gaulé, et tout mal joué, avec un Hugh Grant à l'air effaré qui a l'air de se demander qu'est ce qu'il fout là! Mais bon, à voir pour son 'inénarrable kitscherie, des effets qui réalisent sans doute la prouesse d'avoir été déjà démodés à l'époque même de sa sortie!!

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  • 8 years later...

Oui, c'est sur c'est moins fastueux qu'à ses grandes heures mais par exemple je trouve le film plus réussi sur son mode humour noir que son ennuyeux et très sérieux "gothic", généralement mieux apprécié... oui parce qu'il apparaît quand même assez clairement que le film ne se prends pas au sérieux, non?

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