La vache, si je m'attendais un jour à lire un sujet citant les Hypothetical Prophets, groupe quasi inconnu même des amateurs d'industriel !!!
En tout cas, ça fait vraiment plaisir de voir qu'une compilation aussi obscure que "So young but so cold" réussit à faire découvrir un morceau comme "Wallenberg". J'avais complétement bloqué sur ce titre implacablement émouvant que la radio "La Voix du Lézard" avait diffusé à l'époque. Au point de me l'enregistrer sur K7 et de me dégoter pour 10 balles vers 86 l'album chez Boulinier (avec malheureusement un coin coupé comme c'était le cas pour les vinyls vendus en gros).
Ce groupe reste un mystère et je n'ai qu'une source d'information à leur propos, l'excellent et meilleur livre sur les -vraies - années 80 : "Une scène-jeunesse" de Brice Couturier. Au chapitre "Symphonies pour hangars déserts", je cite :
"Les Prophètes (Hypothètiques, souhaitons-le) sont deux en tout, l'un Américain, l'autre Français. J'ai promis de respecter l'anonymat de ce dernier, musicien connu par ailleurs, et me contenterai de relever, une fois encore, l'étrange attrait de toute scène pour la clandestinité, les tenues camouflages. Genesis [P-Orridge] et ses invariables pantalons de treillis, les tenus léopard ou les uniformes noirs d'autres musiciens et habitués de l'Usine Palikao. Je les ai rencontrés un soir sur le Libre-Service de Radio 7. Ils nous fascinaient tous par leur refus de fournir la moindre explication sur l'esprit qui présidait à leur démarche; L'Américain utilisant judicieusement toutes ressources d'un français hésitant pour en dire le moins possible. Le Français ne hasardant que quelques paroles sibillynes. Mais ils avaient sous le bras, comme on dit, une fameuse galette. La version anglaise de "Wallenberg", un hommage à ce jeune suédois qui a oser défier Adolf Eichmann à Budapest en 1944, a arraché à ses griffes plus de 30 000 juifs hongrois, avec pour toute arme, une audace à toute épreuve. On sait, grâce à TF1 (deux émissions lui ont été justement consacrées en novembre 1982), qu'il devait disparaître finalement dans les profondeurs gelées du Grand Empire d'Orient...
Sur le premier 33 tours des Prophètes (Hypothétiques) sorti en 1982, figure la version française de "Wallenberg" qui constitue à mes yeux l'une des réussites les plus manifestes des manipulations sonores industrielles. Un synthétiseur tient un accord qui vous caresse délicatement les nerfs - dans le sens inverse du poil. Une machine à rythmes martèle son tempo lancinant, lent comme un train au ralenti. Un claquement de fouet cingle à intervalles réguliers un saxophone qui répète inlassablement le même thème, grave et douloureux. Et puis nous arrive cette voix, synthétique, sans passion, celle d'un constat objectif, qui déroule l'histoire vraie de Raoul Wallenberg. Mais le matériel littéraire est astucieusement découpé, à la manière de télex mis bout à bout..."
Voilà, l'énigme demeure : amis de l'inclassable, bonsoir !
ROCAMBOLE