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Tracks : spécial Johnny To


Florent

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Ce soir à 22:20 ou le 24 mai à 03:00

 

Tracks : Johnny To

 

Tracks met cap à l’Est avec un invité de marque: Johnnie To. Pour ce réalisateur surproductif, 2008 sonne comme l’année de la consécration. Avec déjà trois films sortis depuis janvier (Mad Detective, Sparrow et Triangle), une rétrospective à la cinémathèque de Paris, et deux autres long-métrages à venir, Johnnie To est devenu le nouveau parrain du polar chinois.

En une dizaine de western urbain, Johnnie To impose sa griffe : des polars sophistiqués avec leur dose d'humour noir et des scènes d'actions chorégraphiées au millimètre près.

 

Johnnie To : (self) made in HK

Passé maître dans l'art de la série noire, Johnnie To est polar ce qu'Hitchcock était au suspens: un des plus grands de son époque! Nourri aux mythiques plans-séquences de Sergio Leone, Johnnie To a réussi la synthèse entre Western spaghetti et films de combat asiatique façon Shaw Brothers.

 

Sa biographie

 

Né à Hong Kong en 1955, il fait ses armes sur le petit écran. Engagé à 17 ans comme simple assistant à la TVB, une des principales chaînes de l'ancienne colonie britannique, Johnnie To prend du galon et enfile très vite la casquette de réalisateur de séries télé. Au milieu des 80's, il gagne son ticket d'entrée dans le Septième Art en réalisant plusieurs succès du Box-Office chinois pour le studio d'action hongkongais "Cinema City".

 

Le réalisateur hyper actif est capable de boucler un tournage en moins de deux mois avec un budget serré. Cet acharné n'hésite pas à changer le cours du film au grés du tournage. "J'écris mes films au fur et à mesure des tournages. Je n'ai pas de scénario, de script précis." Fidèle à sa réputation qui a fait son succès, Johnnie To décide de la manière de filmer une scène au moment du tournage. Pour les comédiens: pas toujours facile de suivre.

 

Après avoir réalisé des films comme "Happy Ghost 3", "The Big Heat", "All About Ah-Long", Johnnie To entre au Panthéon des réalisateurs made in HK aux côtés de John Woo, Tsui Hark ou encore du légendaire King Hu.

 

Mais le déclic, c'est "Breaking News" : son 45ème long-métrage tape dans l'œil de l'occident. Dans ce film, policiers et medias se livrent une guerre des images sans mercis, le tout à la sauce favorite de Johnnie To : du polar sur le fil du rasoir saupoudré d'un zeste de burlesque.. Tourné à Hong Kong en 2003, ce film bluffe son monde avec sa scène d'ouverture filmée en plan séquence dans une rue de la ville. Pendant 8 minutes, le spectateur suit une scène de combat entre mercenaires chinois et policiers hongkongais sans interruption de la caméra. Voir ce plan séquence (Youtube Player).

 

"Breaking News" est un succès à Hong Kong où il crée l'événement au festival international de cinéma de la mégapole. Les programmateurs du festival de Cannes décide de le sélectionner à la dernière minute. Depuis, les films de Johnnie To sillonnent les festivals de la planète. En 2005, il est même couronné par l'un de ses admirateurs, Quentin Tarantino, à Sitges en Espagne.

 

Jusqu'en 2004, il fallait être hongkongais ou chinois pour voir l'œuvre de Johnnie To. Désormais, l'Europe rattrape son retard et sort ses films en cascade. En ce début d'année, le réalisateur a déjà trois films à l'affiche : “Triangle”, réalisé à 3, avec ses compagnons de route Ringo Lam et Tsui Hark, "The Sparrow" et "Mad Dedective" en compétition à Venise cette année. Johnnie To travaille déjà sur son nouveau projet : un remake du Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville pour lequel il courtise Orlando Blum (l'elfe blond du "Seigneur des Anneaux") et… Alain Delon !

 

Ses influences

 

Western Spaghetti : le commencement. Johnnie To découvre "Il était une fois dans l'Ouest" de Sergio Leone sur l'écran d'une salle de cinéma de Hong Kong en 68. Agé de 12 ou 13 ans, c'est la première fois qu'il a été troublé par un film. Gros plans et mouvement donnaient une richesse des images qui a marqué le petit Johnnie. Et inspire profondément ses choix de cinéaste : à la manière de Sergio Leone, il joue avec les nerfs du spectateur grâce aux déplacements millimétrés de sa caméra. D'ailleurs Sergio Leone avait en son temps ressuscité le western, Johnnie To remet en selle et révolutionne l'art du polar.

 

"Ce que je veux montrer, je le mets en avant. Ce que je ne veux pas montrer, j’essaie de le cacher par des artifices." Cette manière de faire vient en réalité de l'art pictural chinois, où tout ce qu'on ne voit pas est blanc ou laissé vide, comme si une fumée voilait le dessin : votre imagination fait le reste. Le vide n'est pas un espace neutre où rien ne se passe mais au contraire un lieu mystérieux qui peut occuper une grande partie du tableau. En 71, le réalisateur chinois King Hu s'inspire de cette vision de l'univers pour tourner "Touch Of Zen", l'un de ses chefs d'œuvre. Dépourvu d'effets spéciaux, King Hu joue avec les cadrages, les zones d'ombres et un rythme syncopé pour faire exister ses fantômes dans l'imaginaire du public.

 

Pour ses scènes de bataille, il s'inspire de son passé d'ancien danseur de l'Opéra de Pékin pour créer des chorégraphies de combats qui feront plus tard le succès de "Tigre et Dragon". "Selon moi, les scènes d'actions avec des armes à feu sont comparables à une scène de combat au sabre. Chaque geste doit être étudié, chorégraphié." C'est sa conception du cinéma en mouvement, mais aussi, accessoirement, une petite pique adressée au réalisateur John Woo qui ne fait pas dans la demi-mesure quand il s'agit de descendre son prochain : "le coup de feu doit avoir un sens, un but : chaque balle est importante".

 

Son influence. "Je n'ai jamais rencontré Scorsese ou Coppola mais leur cinéma m'a beaucoup influencé. À l'inverse, le cinéma hongkongais a dû influencer les réalisateurs d'Hollywood ou d'Europe." Ça devait finir par arriver, les films de Johnnie To suscitent aujourd'hui la convoitise d'Hollywood. "The Mission" et "Breaking News" devraient faire bientôt l'objet de remakes. "En ce qui concerne les remakes de mes films, pour moi, une fois mon travail de réalisateur terminé, je ne m'en occupe plus. Si quelqu'un doit faire le remake d'un de mes films, il doit utiliser son propre style, et surtout ne pas faire du "Johnnie To"!"

 

Cinéma HK

 

Milkyway Image ltd.

 

Johnnie To décide de monter en 96 sa boîte de production Milkyway avec son compère le réalisateur Won Ka-Fai. Bingo, en alternant comédie commerciale et polar stylisé, l'entreprise de Johnnie devient le studio de référence de Hong Kong.

 

 

"Quand j'ai débuté au cinéma dans les années 80, le cinéma était hongkongais jusqu'à la caricature. Il était très commercial, plein de comédies légères, et ne visait qu'un public local. C'est ce cinéma-là, le "Kong Kong style", qui marchait. Tout le monde faisait ça, moi y compris. Et puis dans les années 90, le cinéma hongkongais s'est mis à décliner, la crise s'est installée." Le 1er juillet 1997, c'est la fête à Hong Kong, littéralement le port au parfum. 155 ans après l'avoir colonisé, la Grande-Bretagne remet les clef de la ville aux autorités chinoises. Alors qu'elle fait face à la Chine communiste, Hong Kong est l'un des 4 dragons qui développent une économie ultra-libérale. Place financière internationale, elle est la quatrième ville la plus chère du monde pour s'y loger. Mais tout le monde ne voit pas la rétrocession d'un bon œil. Même si la Chine garantit au territoire de Hong Kong de conserver ses anciens privilèges, issus de son passé anglais, certain craigne la fin du système libéral à l'origine de la bonne fortune de la ville. Et ça ne rate pas : la crise économique s'installe, l'industrie cinématographique n'échappant pas à la récession.

 

Anticipant la crise qui s'annonce et profitant d'une série de cartons que font leurs derniers films, les réalisateurs hongkongais Tsui Hark et John Woo décident de tenter leur chance à Hollywood. Après avoir essuyé les plâtres avec Jean Claude Van Damme, John Woo signe les blockbusters "Mission Impossible 2" et "Volte Face". Contrairement à eux, Johnnie To a toujours résisté aux sirènes d'Hollywood : un an avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, il fonde sa propre compagnie de production : Milkyway Image ltd. avec laquelle il signe ses plus grands succès made in HK, "The Mission", "Breaking News", "Exiled", "The Sparrow" ou encore "Mad Detective". Les studios de Milkyway sont une véritable fourmilière d'où sont sortis plus de 40 long-métrages en une douzaine d'année.

 

"Avec cette crise du cinéma hongkongais, plus rien ne marchait. Paradoxalement ça a libéré un espace pour faire autre chose. Puisque le résultat au box-office serait toujours mauvais, autant faire ce qu'on voulait !" Et ce que fait Mister To jusqu'à mener plusieurs vies à la fois ! Producteur au sein de la Milkyway, il n'arrête jamais de tourner, réalisant simultanément jusqu'à 4 films par an.

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