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Regarde Moi d'Audrey Estrougo (2007)


Stéphane

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Une journée qui commence comme les autres dans la banlieue parisienne. Jo, futur joueur en formation au football club d'Arsenal, entame un footing, Yannick veut reconquérir sa belle Mélissa et Mouss aimerait concrétiser sa relation avec Daphné. 24h pour se sceller un destin.

Même journée qui démarre comme les autres pour Fatimata et Julie. Sauf que Fatimata est noire que Julie est blanche, qu'elles aiment le même garçon et que les prochaines 24h les réuniront à jamais.

 

Je vais mettre ici la critique de DvdRama parce que globalement je suis d'accord avec cet article. Un petit film avec quelques petits défauts mais qui possède une fraicheur et une sensibilité qui fait plaisir à voir. Loin des caricatures, Regarde moi est un film qui fait mouche.

 

 

http://www.dvdrama.com/news-21892-cine-regarde-moi.php

 

Audrey Estrougo a 23 ans et, après une enfance parisienne, a passé son adolescence dans le 93. Cette dimension autobiographique, relevant d'un passé si proche, lui permet tout d'abord de faire un film très réaliste. S'étant également chargée du scénario, les dialogues sonnent juste. Le langage et le phrasé des banlieues sont là, sans jamais tomber dans l'excès ou la caricature : un premier piège déjoué avec brio et subtilité. Les comédiens n'y sont pas pour rien. Hormis Salomé Stevenin, tous sont inconnus du grand public, et la plupart font ici leur première apparition sur grand écran. Tous sont étonnants de justesse, et apportent au film naturel et fraîcheur, sans pour autant exclure la maîtrise. Là encore, aucun « surjeu » mais une véritable dynamique de groupe que la jeune réalisatrice a su créer grâce à de nombreuses répétitions et séances d'improvisation, sachant les guider tout en les laissant libres devant la caméra.

 

Le propos du film peut sembler classique au premier abord : la difficulté d'aimer, d'exister, d'être soi-même dans un univers qui se divise en clans. C'est cet esprit « clanique » qui a marqué Audrey Estrougo et sur lequel elle a voulu insister, utilisant pour cela un courageux parti pris : celui de diviser son film en deux parties. La même journée, d'abord vécue avec les garçons, apparaît sous un angle radicalement différent lorsqu'elle est abordée du point de vue des filles. Tourné à La Garenne-Colombes, le film multiplie les scènes d'extérieur dans sa première partie, et c'est avec les filles que le spectateur passe la porte des maisons et des appartements. C'est aussi dans cette seconde partie que le point de vue se fait plus intimiste, moins général... et souvent plus dur. Car Regarde moi est un film qui parle de la féminité, dans un moment délicat comme celui de l'adolescence mais aussi un contexte qui ne peut être que douloureux puisque le seul moyen pour les filles d'être respectées est de se comporter comme les garçons, de parler comme eux et de mépriser celles qui, culturellement libres de cette pression sociale, ne se conforment pas à la règle.

 

Si l'absence totale de mixité est montrée de manière radicale par la division du film, le groupe des garçons, tout au moins, reste bigarré : blacks, blancs, asiatiques évoluent en bande et, sans nier leurs différences, en plaisantent. Il n'en va pas de même, loin de là, pour les filles. La scène-clé du film, celle à partir de laquelle l'intrigue va basculer dans le drame, voit le groupe de copines de Fatimata (Eye Haidara) défiler, face caméra, et crier sa haine des « babtous », les blanches qui s'habillent en jean, portent des T-shirts sexy et à cause desquelles les garçons de la cité « ne les calculent même pas ». « Faut pas les laisser faire ! » est le cri de guerre dont la violence de la portée est exprimée par un passage au noir et blanc qui laisse présager que quelque chose de grave va se passer.

 

Bien plus que celle des garçons, la violence des filles est présente. Pourtant, les images ne montrent quasiment que la violence psychologique qu'elles subissent : l'agression de Julie est filmée hors-champ. Mais l'image de la mère de Fatimata, piétinant la mallette de maquillage de sa fille, puis de celle-ci, prostrée, seule, étouffant un bref hurlement dans son oreiller, frappent par la pression qu'elles subissent. Concernant le reniement nécessaire de leur féminité des jeunes filles de banlieue, Audrey Estrougo renvoie dos à dos les deux cultures à travers le symbole de la chevelure : la scène où Fatimata perd sa perruque devant tout le monde est une scène d'humiliation, celle où Julie, après son agression, se coupe les cheveux, est une scène de renoncement.

Pourtant, le film refuse de céder au désespoir : lorsque Julie part, à la fin, elle échange un regard avec Fatimata qui signifie : la haine n'est pas inéluctable, le cercle vicieux peut se briser. Fatimata et Julie ne deviendront pas comme la mère de Mélissa et sa voisine Laurence qui, depuis vingt ans, échangent les pires insultes.

 

Le film d'Audrey Estrougo est juste, enlevé et sensible à la fois. Le cadrage est soigné, la direction d'acteurs maîtrisée et ses partis-pris sont courageux. Un premier long-métrage donc extrêmement prometteur pour une (très) jeune réalisatrice, à suivre de près...

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