Ce que j'en pensais à sa sortie (et j'ai pas changé d'avis en le revoyant sur C+ ) : "Noir et blanc - vraiment - sublime (un minimum pour Corbijn) presque brûlé, de fait les sous-titres jaunes sont les bienvenus (alors qu'habituellement j'aime moyen cette couleur). Et Sam Riley peut arrêter là le cinéma : il a déjà le rôle de sa vie. Pour dire l'exploit : à le voir sur scène, j'avais le big frisson, comme si je voyais Ian Curtis (a)live ! La reconstitution est extrêmement soignée. Par exemple, pour moi qui suis maniaque sur les coupes de cheveux sensées être d'époque et qui suis consterné des tentatives opérées au ciné ou dans les séries TV, j'avoue que là c'est très bien. ... c'est même presque trop parfait, le film fonctionnant comme un fantasme cold wave, à savoir que pour cette période 76-80, on a l'impression d'être dans une "bulle" assez bien nettoyée des ignobles styles vestimentaires/capillaires ou groupes des 70's. A part le préambule glam 73, Tony Wilson et, dans une moindre mesure, leur manager, personne dans leur public ou dans les gens ne semble se traîner de sales looks. Il n'y a que des affiches des excellents groupes de cette mouvance post-punk (Siouxsee, Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle, etc) alors que les salles passaient de tout. Dans un temps donné cohabite pourtant le nouveau et l'ancien, l'excellent et la daube... Je ne vois pas ça sous l'angle du détail mais j'imagine un jeune d'aujourd'hui voyant ça, il va lui manquer pas mal de cartes pour comprendre le caractère avant-gardiste du groupe : il n'y a par exemple pas de contrepoint (un plan sur des babacools/peace & love par exemple) pour décrypter pourquoi avoir "HATE" écrit dans son dos était à l'époque hallucinant d'audace (ce dont on ne se rend plus compte aujourd'hui). Même chose pour le look et les cheveux courts... Quant au parcours de Curtis, le film a les qualités de ses défauts. Effectivement, pas de racolage, pas de surinterprétation, une volonté de neutralité et d'équilibre entre les versions des unes et des autres. Curtis est filmé de prés... mais avec une certaine distance par un Corbijn respectueux (trop ?). Ce qui donne à la fois une forme filmique magnifique de pudeur (même si la trivialité s'invite parfois par désir de ne pas idéaliser) et en même temps, un manque d'empathie pour une icône en route vers la mort (quoi de plus tragique pourtant ?). Je préfère ainsi la scène de pendaison dans "24 Hour Party People". Je reste cependant persuadé que c'est un très grand film, à qui il a manqué de tripes, "d'intérieur" pour aboutir au chef d'oeuvre. Pour ma part, c'est déjà inespéré car je ne suis pas très client de Corbijn (à part ses premiers travaux photographiques avec Joy Division ou Fad Gadget). Il a eu au moins le mérite de faire un vrai objet cold wave sur un sujet cold wave. Cohérent, non ? ROCAMBOLE PS : j'ai bien évidemment adoré la touche kraftwerkienne lors de leur tournée continentale et ce plan final quasi-auschwitzien (référence à TG ?) bien dans le ton désespéré de cette période (Can the world be as sad as it seems ?)..."